La récente nomination d’Aoua Bocar Ly Tall comme membre du Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) a suscité une vive controverse au Sénégal, notamment en raison de déclarations qu’elle aurait tenues avant sa désignation. Ces propos, considérés par certains comme ethnicistes, ainsi que son passé militant, soulèvent des questions sur la conformité de cette nomination avec les exigences légales et éthiques régissant le CNRA. Une analyse juridique approfondie de la situation, fondée sur la loi n° 2006-04 du 4 janvier 2006, permet d’examiner si cette nomination est compatible avec les missions et les principes fondamentaux de cette institution.
Les dispositions légales concernant les membres du CNRA
La loi n° 2006-04 établit que le CNRA est une autorité indépendante chargée de veiller au respect de la réglementation dans le secteur de l’audiovisuel. Elle énonce clairement les critères, obligations et incompatibilités applicables aux membres de cette institution. Selon l’article 4, les membres du CNRA sont nommés pour un mandat de six ans, non renouvelable et non révocable. Cependant, l’article 6 prévoit des cas spécifiques de cessation de fonctions, notamment en cas d’incompatibilité ou de manquement grave aux obligations légales.
L’article 5 précise que les fonctions de membre du CNRA sont incompatibles avec tout mandat électif ou la détention d’intérêts dans des entreprises liées à l’audiovisuel, au cinéma, ou aux télécommunications. Par ailleurs, l’article 6 stipule que tout membre acceptant un emploi ou un mandat incompatible, ou manquant aux obligations définies par la loi, peut être déclaré démissionnaire d’office par le CNRA. Cette disposition pourrait s’appliquer si des actions ou comportements antérieurs sont jugés incompatibles avec les valeurs fondamentales de l’institution.
Les déclarations controversées et l’obligation de réserve
Selon les faits rapportés par Walfnet, Aoua Bocar Ly Tall aurait publié, en octobre, un message sur Facebook mettant en avant une supériorité présumée de l’ethnie Peulh. Ces propos, perçus comme ethnicistes, soulèvent des interrogations sur leur conformité avec les principes d’unité nationale et de neutralité imposés aux membres du CNRA. L’article 9 de la loi établit que le CNRA doit veiller au respect de l’unité nationale et de l’intégrité territoriale. Toute position publique contraire à ces principes est susceptible de porter atteinte à la crédibilité de l’institution.
Capture d’écran publiée par walf-groupe.com
Bien que ces déclarations aient été faites avant sa nomination, elles continuent de susciter des controverses qui pourraient compromettre la perception publique de l’impartialité du CNRA. L’article 6 impose aux membres une obligation de réserve stricte, stipulant qu’ils doivent s’abstenir de toute prise de position publique sur des questions susceptibles d’être soumises à l’institution. Si les propos antérieurs de Mme Ly Tall influencent négativement la perception de sa neutralité, cela pourrait être considéré comme une incompatibilité morale avec ses fonctions actuelles.
La procédure de nomination et les possibles irrégularités
L’article 3 de la loi précise que les membres du CNRA doivent être nommés par le Président de la République après consultation des milieux socio-professionnels concernés. Certains analystes ont affirmé que cette consultation n’aurait pas été effectuée dans le cas de Mme Ly Tall. Si cela est avéré, cela pourrait remettre en question la légitimité de sa nomination. Une absence de consultation des associations faîtières ou des parties prenantes affaiblirait le processus de désignation, rendant la nomination contestable sur le plan procédural.
Les implications éthiques et institutionnelles
Le rôle du CNRA est de garantir la régulation équitable et indépendante du secteur audiovisuel. L’article 7 souligne que cette institution doit veiller à l’indépendance et à la liberté de l’information. Les déclarations passées de Mme Ly Tall, bien qu’antérieures à sa nomination, peuvent être perçues comme une atteinte à ces principes fondamentaux. L’article 9 insiste également sur l’importance de respecter les règles d’éthique et de déontologie, notamment en s’assurant que les membres du CNRA ne compromettent pas la neutralité de l’institution.
En outre, la nomination de Mme Ly Tall a déclenché une mobilisation importante sur les réseaux sociaux et au sein des milieux politiques. Les critiques portent sur le fait que ses déclarations antérieures seraient incompatibles avec les valeurs d’unité nationale que le CNRA est censé défendre. Bien que la loi ne traite pas explicitement des conséquences des comportements antérieurs à une nomination, les exigences de crédibilité et de confiance publique inhérentes à la mission du CNRA renforcent la nécessité d’examiner cette question avec rigueur.
En s’appuyant sur les articles 6, 7 et 9 de la loi n° 2006-04, il est possible de soutenir que les déclarations antérieures de Mme Ly Tall, ainsi que les éventuelles irrégularités dans le processus de nomination, pourraient justifier une révision de sa désignation. Si ces propos sont jugés contraires aux principes d’unité nationale ou d’éthique, le CNRA pourrait envisager de se saisir de cette question et de déclarer une incompatibilité morale ou éthique avec les fonctions exercées.